Mue Imaginale (Création 2021)

Ou comment Puck, un garçon trans, amène son prof et ses ami.e.s à changer leur regard sur le monde

Un spectacle tout public à partir de 12 ans

Générique

Texte et mise en scène : Laure Grandjean

Avec :

Regard artistique : Herman Delikayan, Jean-Marc Layer

Le sujet

Au départ, il y a la rencontre entre un professeur et un élève. Cet élève, sur les listes, a un prénom de fille. Pourtant, "sans contrefaçons", il est un garçon, il veut qu’on l’appelle Puck et qu’on le désigne par le pronom « Il ». Soudain, cet élève pousse son enseignante à remettre en question les fondements de sa propre éducation, de son rapport au genre, à la langue – celle qu'elle enseigne – à l’amour, à la sexualité. Pendant que Puck vit sa vie d’adolescent avec ses camarades, qui le suivent – ou pas – dans sa transition, Anne, son professeur, s’interroge, et va à la rencontre de ceux qui l’entourent… pour tenter de mieux comprendre les revendications portées par une jeunesse qu’elle côtoie tous les jours. Différentes générations se rencontrent et voyagent ensemble dans le monde mystérieux et fascinant où Puck les entraîne malgré lui.

Note d'intention

J’ai démarré en 2020 une quête sur mon oncle Yves, qui s’est suicidé en 1983, à 33 ans, quand j’avais 7 ans. Yves était homosexuel et avait passé sa vie à cacher qui il était. Adolescent en 1968, Yves n’a pas profité de la libération sexuelle de l’époque, dans son milieu bourgeois de province. A la rentrée 2020, je rencontre Noah, un adolescent de 15 ans qui est inscrit dans ma classe sous le nom de Pia. Noah, en 2020, assume qui il est. Il est un garçon. Yves est un des Invisibles dont parle Sébastien Lifshitz dans un documentaire du même nom. Noah est bien visible, lui, comme la Petite fille d’un documentaire du même réalisateur.

Il a su, très tôt. Ses parents lui inculquent qu’il doit toujours se sentir libre d’être qui il se sent être. Voilà donc Noah, dans sa classe de 3e où tout le monde l’appelle Noah et dit « Il ». Tout le monde ? Pas tout à fait. Une ou deux élèves dans la classe avec qui ça ne passe pas. Quelques enseignants qui l’ont connu « elle », et qui n’y arrivent pas, d’autres qui pensent que cette question ne les regarde pas.

Et moi, je suis fascinée par la personnalité d’un élève de 15 ans qui semble s’assumer autant, sinon mieux, que moi à 45. Est-ce vraiment le cas ? La mue est-elle si facile ? Quelles responsabilités avons-nous, nous, adultes ? S’agit-il d’un phénomène nouveau, d’une « mode » ? Est-ce le début d’une ère où l’on serait libre d’être qui l’on veut être ? Une ère où un être n’est pas un homme ou une femme, mais un être, un point c’est tout ?

Dans Mue Imaginale, Anne, professeur, tente de répondre à toutes ces questions en dialoguant avec son entourage : ses élèves, son chef d’établissement, sa mère…

On parle souvent, pas assez cependant, de ce qu’apportent les professeurs à leurs élèves : l’enseignement d’une discipline, d’une culture, et celui, plus difficile à cerner, de valeurs morales et humaines qui permettront aux enfants de bien grandir. On parle plus rarement de ce qu’apportent les élèves aux enseignants, par la remise en question permanente à laquelle ils les poussent, sur leur manière d’enseigner, le contenu de ces enseignements, la posture qu’ils doivent adopter … « Elève », quel mot magnifique, qui nous pousse à grandir !

A l’ère où le vent de liberté que porte cette jeunesse souffle de plus en plus fort, face à une tempête conservatrice fracassante, j’ai souhaité faire entendre la parole d’espoir d’une jeunesse en proie aux doutes, aux questionnements, mais dotée d’une force qui sème le trouble chez les adultes, et c’est tant mieux.

Mue Imaginale pose des questions et ne donne pas de réponse toutes faites : les adultes sont dépassés, les jeunes sont en quête de reconnaissance, tous vivent ensemble, muent ensemble.

La Mue Imaginale est le dernier stade de la mue d’un insecte, avant d’atteindre son stade final, l’imago. Mue imaginale est l’histoire de nombreuses métamorphoses, celle de Mia à Puck, mais aussi celle de son entourage, qui, à son contact, bouleverse sa manière de voir le monde.

Laure Grandjean, septembre 2021

Extrait

PUCK : Je suis… Je suis genre… genre… bizarre. Du genre weirdo… C’est moi… C’est ce que je suis. C’est tout ce que je sais être. Genre décalé quoi. Je… C’est cool comme pronom. Je c’est moi. C’est tout moi. Tu, ça va aussi. Tu… c’est genre… je t’aime comme tu es. Après ça dérape. Au tableau la prof écrit je, tu, il, nous, vous, ils. C’est plus commode, elle dit. Elle va pas écrire, je, tu, il/elle/on/iel, nous, vous, ils/elles/eux… Elle en finirait pas tu vois ? Ça part d’une bonne intention. Déjà qu’on est pas rapide pour copier… C’est genre… c’est genre… c’est le genre, elle dit. Il y a le genre, et le nombre. Je suis paumé. J’accorde en genre et en nombre avec le sujet. « Qui est-ce qui est paumé ? » C’est moi. C’est « il » ou « elle » qui est paumé ? Je sais pas. Comment j’accorde ? Comment on s’accorde ? Comment on fait pour s’accorder ? Hein ? (Silence)

vue 1

La forme

Version hors les murs : 1h

Le spectacle peut se jouer partout (établissements scolaires, salles de réunion, salles polyvalentes…). Dans cette forme plus légère, l’accent est mis sur le jeu complice entre les comédiens et les spectateurs. Nous jouons le plus souvent en bi-frontal, et les comédiens sont assis au milieu des spectateurs, qui font partie du spectacle, considérés tour à tour comme des camarades de classe des personnages, ou comme des témoins indiscrets de leurs scènes de confidences ou de leurs monologues.

Version scénique : 1h30

Sur scène, les spectateurs sont plongés dans les réflexions et les doutes des personnages, par les lumières, la bande originale liée à l’histoire d’Anne (qui est « née sous Giscard »). Des chaises d’école dessinent l’espace. Les comédiens prennent en charge la scénographie très sobre, déplacent, déménagent ces quelques meubles pour en faire un vestiaire, une salle de classe, l’intérieur d’une maison.

Pour nous, la magie du théâtre naît de ce pas grand-chose qui permet à l’imagination du spectateur de voyager à sa guise. Les corps des comédiens, entre force de la maturité et fragilité adolescente, apparaissent dans toute leur expressivité. Les personnages évoluent entre leur univers quotidien, l’école, et leur univers mental et intime. Parfois, ils cassent le quatrième mur et envahissent le public, l’interpellent. Ils lui livrent ce qu’ils n’ont pas osé dire aux autres personnages, comme si on les avait appelés soudain au confessionnal. Se confesser ? Pourquoi ? Qui le leur demande ?